jeudi 10 mars 2016

En toute honnêteté, peut-être pour vous aider

Aujourd'hui, cette semaine, il n'y a pas de journée/fête/semaine de la sensibilisation ou autre événement officiel en particulier.

Ce matin pourtant, un souvenir très vif m'est monté à la mémoire dès mon réveil. Je crois que si j'y ai pensé aujourd'hui, c'est peut-être que c'est l'anniversaire de ce souvenir, ou du moins, son anniversaire tourne autour de ces dates-là.

Ce matin, je me suis réveillée avec le souvenir très clair d'une sensation pas agréable du tout que j'ai vécue il y a maintenant 4 ans.

Il y a 4 ans environ, je me rappelle avoir laissé mes étudiants travailler en équipe pendant que je me cachais pour pleurer. Je me rappelle être sortie à la récréation en sanglots. Je me rappelle avoir crié haut et fort à ma mère : JE NE VAIS PAS BIEN !

Il y a 4 ans, je me suis demandé comment j'allais bien pouvoir continuer ma vie telle que je la vivais. Comment j'allais pouvoir supporter ce masque qui pesait 4000 lbs sur mon visage. Je me suis demandé pourquoi j'étais aussi mal.



Je vous partage tout ça aujourd'hui parce que j'ai envie, bien humblement, que mon témoignage fasse du bien à d'autres.

Je ne comprenais pas pourquoi je n'arrivais pas à être heureuse. Pourtant, j'avais réussi mon baccalauréat haut la main. J'avais un travail pour lequel plusieurs de mes collègues d'études auraient fait des pieds et des mains pour avoir. Qui plus est, j'avais la chance d'être revenue dans mon patelin pour le faire, comme j'avais toujours rêvé de le faire. J'avais enfin rencontré l'amour. Nous avions adopté un adorable petit chien. J'étais en bonne santé. J'avais un bon salaire.

Depuis toujours, je vivais une vie facile. Du moins, en apparence, j'avais des amis, une bonne famille, des bons résultats à l'école. Je ne me suis jamais heurté à un obstacle qui ait pu remettre en question mes choix. J'ai toujours suivi un chemin qui me semblait facile, qui me semblait évident, qui allait de soi. Depuis toujours, mes actions se dirigeaient dans un seul but : devenir enseignante.

Puis, est venu le moment où j'étais devenue enseignante. J'aurais dû être heureuse. Mais je n'y arrivais pas.

Le poids de mon existence était trop lourd à supporter pour que je me lève, légère, le matin, prête à l'affronter. Les actions que je posais chaque jour ne m'apportaient aucun bonheur : PIRE ! Elles me rendaient profondément malheureuse. J'en étais rendue à me demander si mes efforts quotidiens servaient vraiment à quelqu'un quelque part. Malgré le caractère profondément altruiste de l'enseignement, je sentais que j'embêtais mes étudiants plus que je ne les aidais. Malgré les tâches, les bons petits plats, les petites attentions, je sentais que je m'éloignais de mon chum plus que je m'en approchais. Chaque action, chaque jour, était comme un coup d'épée dans l'eau pour moi.

Quand Sisyphe commence à se fatiguer... 

J'ai pu voir mon médecin rapidement, heureusement. 
- Manges-tu ?
- Pas vraiment. 
- Dors-tu ?
- Pas tellement.
- Pleures-tu souvent ?
- Tous les jours, plusieurs heures par jour.
- Es-tu concentrée ?
- Bof.

Je ne voyais pas comment mon état pouvait s'améliorer. Je ne voyais plus de sens à ma vie. Je me décourageais devant la brique de beurre trop dure. Je piquais des crises pour rien à mes proches. Pire que tout, je me détestais, je me haïssais de me voir aussi négative, aigrie, moi qui avait, jusqu'à tout récemment, été une personne souriante, optimiste, joyeuse, rayonnante. Qu'étais-je devenue ?? 

Dépression majeure. Arrête de travailler, va voir un psy, prends des pilules. 

*** 

J'ai dû prendre du temps pour moi. Pour me reposer, me reconstruire. Puis pour réfléchir à ce que j'étais, à ce qui m'avait rendue si malheureuse, à ce qui pouvait me rendre heureuse à nouveau. 

J'ai dû apprendre à m'en demander un peu moins, j'ai appris à être un peu plus imparfaite.

J'ai dû apprendre à sentir à nouveau mes émotions, bonnes ou mauvaises, parce que j'avais érigé un mur tellement grand pour ne pas sentir mon bonheur mais surtout ma souffrance, pour maintenir le phare, la façade que tout le monde connaissait de moi depuis tant d'années. Je ne me permettais plus d'être fâchée, d'être triste, d'être contrariée, parce que c'est pas beau, toutes ces émotions.

J'ai dû apprendre à montrer ces émotions, les communiquer aux gens qui comptent le plus pour moi, et donner de la valeur à ce qui était important pour moi devant eux.

J'ai dû apprendre à accepter tout ce que j'étais et en arriver à être fière de ce que je devenais.

Quand j'ai terminé ma psychothérapie, ma psy m'a demandé de résumer en 1 mot la dernière année que nous avions passé ensemble. Je lui ai répondu : « Nécessaire ».

La vie nous envoie des cadeaux mal emballés. Il a fallu que je pousse la machine jusqu'au bout pour que la petite lumière rouge devienne un feu d'artifice avant que je ne me rende compte qu'il fallait que je fasse quelque chose. Mais un feu d'artifice qui t'explose dans la face, laissez-moi vous dire que ça ne fait pas trop de bien.


Depuis ce temps, je suis un peu plus à l'écoute de mes signaux internes. J'ai appris des stratégies pour ne plus revivre cette fracture de l'âme. Ça fait tellement mal, ça prend tellement du temps pour réapprendre à marcher la tête haute. Sortir le bras de l'engrenage quand ça fait trop longtemps, ça implique qu'il ne te reste plus long de bras. 

Mon message, c'est : n'attendez pas. Prenez soin de vous. Parlez-en. Y'a tellement de ressources de nos jours. Allez voir des professionnels. Les livres, les amis, ça peut aider aussi, mais il y a plein de gens formés qui peuvent vous aider à comprendre ce que vous faites et pourquoi vous le faites. Il peut y avoir des ajustements, même minimes, dans votre façon d'aborder la vie, de prendre des décisions au quotidien, qui peuvent avoir un peu plus de sens pour vous et vous faire dire : j'ai servi à quelque chose aujourd'hui et j'en suis fier ou fière.